Profitant de la date du 8 mars, qui est, rappelons-le, une journée internationale de lutte (et non de fête !) en matière de droits des femmes, beaucoup de structures ont créé des espaces afin de visibiliser les femmes.

Aujourd’hui, nous avons donc échangé avec joie lors d’un événement créé par l’école ENI-Ecole d’informatique, sur le thème « Développeuse, autrice, formatrice… vraiment que des mots ? »

Mais pourquoi ce souhait spécifique de parler des mots ? Et pourquoi dans le cadre de l’informatique ?

L’informatique reste un milieu essentiellement masculin à l’heure actuelle. Les femmes y sont peu présentes, et plus encore, peu visibles lorsqu’elles sont là. C’était donc là l’occasion, comme lors de la semaine Femmes et Numérique en décembre dernier, de faire parler les femmes, de leur donner de la place, et de mettre en avant le principe de rôle-modèle.

Avec :

Estelle Adam, directrice de l’ENI Rennes et Quimper,

Katelle Letertre, brand content manageuse à ENI,

Alexia Peytoureau, rédactrice web,

Nous sommes donc rencontrées pour une table-ronde autour de ce sujet important -si ce n’est nécessaire !

Une réalité : le besoin d’inclusion

Mais d’où vient-il, et pourquoi vouloir tout changer, peut-on nous demander ?

Eh bien, peut-être tout simplement parce qu’il s’agit de se mettre en phase avec le réel.

Le fait est que 52% des français sont des françaises et que cette majorité reste bien souvent minorée – de nombreuses études sérieuses en attestent. Pour aller plus loin, on peut aussi regarder les faits dans notre propre expérience au sein de nos mondes professionnels : les métiers sont très genrés à l’heure actuelle encore et les mots afférents à ces métiers le sont, de fait, eux aussi. On parlera plus volontiers d’une infirmière et d’un médecin. On parlera d’un développeur et d’une secrétaire, d’un designer et d’une sage-femme.

Le besoin se fait donc désormais sentir dans notre société de se mettre dans le droit-fil du réel en proposant une langue qui, à minima, prenne en compte les femmes et leur donne la place qu’elles doivent avoir.

Une langue qui évolue

L’autre réalité objective, c’est celle de notre histoire sémantique.

Le français a longtemps été une langue inclusive, qui proposait des termes neutres, épicènes, et des termes à accorder aussi bien au féminin qu’au masculin. C’est la création de l’Académie française qui va venir donner le champ libre à quelques grammairiens pour annoncer et imposer cette idée : le masculin l’emporte sur le féminin.

Plus encore, cette idée que le masculin est tout. On entend encore dire « je préfère dire au masculin, car c’est neutre ».

Mais ne nous y trompons pas : il s’agit là d’une torsion non naturelle de notre langue et de notre culture. Et si nous avons été capables à partir de 1634 de modifier notre langue pour la contraindre à une nouvelle règle, pourquoi ne pourrait-on pas revenir aujourd’hui à la mouture précédente afin de respecter notre histoire et notre population féminisée ?

D’autant que l’argument massue que l’on nous propose régulièrement est celui de la « pureté » de notre langue. Une langue qui devrait rester immuable, intouchable. Cet argument fait fi de la réalité actuelle, mais plus encore de la réalité historique de notre langue.

Car le français, c’est du féminin, du masculin et du neutre, initialement. Et si on a été suffisamment en capacité de tout changer, on devrait donc l’être assez pour revenir à un français, qui parle à tout le monde et de tout le monde.

Une spécificité dans l’informatique 

A l’heure actuelle, sur un moteur de recherche, on trouve 100 fois moins (au minimum) d’occurrences si on tape un nom de métier au féminin, notamment des métiers de l’informatique.

Or ce que nous explique l’experte Alexia Peytoureau, c’est que l’usage fait foi. Aussi, si nous nous mettions toutes et tous à faire des recherches de manière inclusive, basée sur la diversité et l’égalité, alors nos logiciels, nos moteurs de recherche et l’intégralité de notre socle informatique évolueraient de fait eux aussi !

L’informatique n’est donc pas un monde à part, plut complexe à diversifier, mais une illustration tout autant qu’une émanation du monde. Qui veut, peut donc !

Une écriture inclusive vue comme « alourdissant » la langue

Il faut s’entendre sur ce qu’est l’écriture inclusive : il ne s’agit absolument pas que du point médian. C’est même un outil que l’on utilise en tout dernier recours.

Pour ma part je n’écris et ne parle qu’en écriture inclusive, et je crois que personne ne saigne des oreilles ou des yeux en me lisant ou en m’entendant dans les médias.

On pourrait peut-être commencer d’ailleurs à parler de communication égalitaire plutôt que d’écriture inclusive : au fond, c’est pareil, mais si ça peut rassurer quelques personnes alors allons-y !

Que peut-on répondre lorsqu’on nous dit que la « bataille » de la langue est un détail ?

Les mots ne sont pas jamais un détail. C’est par les mots que l’on donne à exister et que l’on visibilise.

On peut aussi expliquer qu’une société est composée d’une multitude de « détails » qui s’agrègent et se sédimentent, et que, de ce fait, tout est important car chaque aspect est interdépendant.

On peut enfin lui dire avec humour que peut-être, la personne qui tient ce propos, pourrait elle-même être considérée comme un détail au regard de 7 milliards d’individus. Et pourtant, cette personne a son utilité et c’est une bonne chose qu’elle existe dans ce monde, n’est-ce pas !

S’engager à visibiliser les femmes par les mots, une nécessité

Parce que les mots sont un outil comme d’autres, mais un média simple, utilisable pour toutes et tous, quelle que soit notre situation.

Les mots sont notre première force, et de ce fait, notre première faiblesse aussi lorsqu’on les utilise mal ou à mauvais escient.

Le monde de demain reposera de plus en plus sur le numérique, c’est une certitude.

Se rencontrer aujourd’hui et poser des mots clairs, forts sur le besoin de visibiliser les femmes, c’est nous permettre de nous engagement dans ce chemin, de prendre notre place dans le futur.

Pour aller plus loin, voici quelques contenus que nous recommandons :

Eliane Viennot Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin 

Eliane Viennot  Le langage inclusif, pourquoi, comment ? 

Françoise Vouillot Les métiers ont-ils un sexe ?

Compte intagram et site internet collaboratif : eninclusif.fr

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